Visite du Nymphée
Viry-Châtillon - France - Août 2018
Viry-Châtillon - France - Août 2018
Il y a bien longtemps en Grèce, vivait dans les bois et forêts le dieu Pan, divinité de la nature et des bergers. Outre jouer de la flûte à laquelle il a donné son nom, son occupation favorite était de poursuivre de ses assiduités les nymphes, esprits de la nature qui n’avaient aucune envie de se laisser approcher par cette libidineuse créature mi-homme, mi-bouc (#BalanceTonDieu).
Pierre Paul Rubens, Pa et Syrinx, vers 1620, huile sur toile, Royal Collection Trust.
Pour échapper à Pan, les nymphes prirent l’habitude de se réfugier dans des grottes, où elles prenaient l’apparence d’une fontaine ou d’une source ; ces grottes devinrent par la suite les sanctuaires au sein desquels les anciens Grecs leur rendaient hommage : les nymphées. Redécouvert avec l’art antique durant la Renaissance italienne, le terme désigne par la suite une grotte artificielle, généralement décorée, servant à l’agrément du jardin.
C’est donc un nymphée que sont allés visiter les Archiconstructeurs le 25 août dernier, à Viry-Chatillon (Essonne). Quoique surnommé la grotte aux coquillages, il s’agit pourtant d’une salle à part entière du manoir du domaine de Piédefer, et non d’une quelconque caverne. Sa fonction, outre l’agrément, était de permettre aux habitants du manoir de se rafraichir l’été, notamment grâce à la présence d’une fontaine à l’intérieur.
Vue générale du nymphée de Viry-Chatillon
Le nymphée fût aménagé entre 1674 et 1692 par Mme Despinville, alors propriétaire du domaine, à partir d’éléments de décor plus anciens provenant d’un pavillon du parc, précédemment détruit. La mode des « grottes » artificielles ornées de rocaille apparaît en effet dès la Renaissance.
Vue de la grotte de Buontalenti (Florence), réalisée entre 1583 et 1593 par l’architecte Bernardo Buontalenti, à la demande du grand-duc François Ier de Médicis (photo : Sailko).
La paternité du nymphée de Viry-Chatillon fût pendant longtemps attribuée par erreur à Charles Perrault, du fait que celui-ci possédait lui aussi une propriété à Viry, également dotée d’un nymphée. L’auteur des contes n’aurait peut-être pas renié certaines des légendes circulant sur l’origine du nymphée du domaine de Piédefer : œuvre d’un prisonnier charmant la solitude par ce travail de décoration pour les uns ; ou de l’évêque d’Uzès, frère de Mme Despinville, qui, aidé de son valet, lui aurait consacré vingt ans de sa vie.
Du fait de la fragilité de leurs décors, les nymphées à être parvenus jusqu’à nous sont assez rares : on en recense seulement une dizaine en France, notamment ceux du château d’Auvers-sur-Oise[1] et celui du château de Gerbévilliers[2]. Celui de Viry-Chatillon a pourtant traversé les siècles sans trop de dommages, survivant aussi bien aux changements de modes qu’aux soubresauts de l’Histoire.
En 1929, la communauté jésuite des Pères du Sacré Cœur rachète le domaine de Piédefer et le transforme en lieu d’enseignement, l’Institut Saint-Clément. Le nymphée est alors transformé en chapelle, et subit du même coup quelques aménagements : une statue de Saint Jacques le Majeur est installée dans l’une des niches, ainsi qu’un autel.
Cartes postales anciennes montrant l’aménagement du nymphée en chapelle
Au fil des ans l’humidité menace le lieu, provoquant des fissures et la chute des coquillages. Une restauration est entreprise à la fin des années 1980. Il est acquis, ainsi que le domaine de Piédefer, en 1992 par la commune de Viry.
Le décor intérieur du nymphée est réalisé à partir d’un savant mélange entre vrais et faux éléments marins, véritable recréation de l’environnement naturel. Les coquillages les plus utilisés sont les ormeaux, qui voisinent avec les bigorneaux, les coquilles Saint-Jacques, les conques et les coraux, le tout mêlés à de la pierre meulière teinte en noire, des éléments en plâtre teint sur armature, des galets de différentes couleurs et du clinker, une roche obtenue par la fusion de l’argile et du calcaire.
Ces différents matériaux sont organisés aux murs comme au plafond en panneaux, souvent délimités par une corniche, et se déploient également au sein des niches.
L’élément le plus spectaculaire du nymphée reste sa fontaine, ornée de deux cygnes en plâtre et composée de différentes vasques superposées, desquelles s’écoulait l’eau crachée par un mascaron à l’effigie du dieu Pan.
Originellement pavé de tomettes, le sol est aujourd’hui recouvert d’une mosaïque, mise en place au XXe siècle. Le décor de vin laisse planer le doute : est-il fait référence ici à Dionysos, le dieu grec du vin, ou au sang du Christ, rappelant l’ancienne fonction de chapelle du lieu ?
Le nymphée n’est pas la seule grotte artificielle visible sur le domaine de Piédefer. A l’origine, celui-ci possédait un vaste jardin à la française, largement modifié au XIXe siècle : c’est à cette date qu’il fût en grande partie transformé en parc boisé. Celui-ci prend la forme d’une pièce d’une pièce d’eau allongée, autour de laquelle le tracé du parc ménage différents points de vue, et au bout de laquelle se trouve une grotte artificielle en pierre meulière, de laquelle l’eau coule en cascade. Plusieurs corridors y ont été aménagés, dans lesquels certains Archiconstructeurs se sont courageusement risqués.
On trouve à l’autre extrémité de la pièce d’eau le même type de grotte mais dépourvue de cascade et accueillant dans l’une des cavités une statue de la Vierge Marie, au bas de laquelle se trouve un autel de pierre. L’ensemble évoque l’apparition de Lourdes et rappelant la présence d’une communauté religieuse sur place.
Chrétiennes ou païennes, divinités ou saints, il semblerait que le nymphée, du moins à Viry-Chatillon, n’aie pas tout à fait perdu sa fonction de sanctuaire.
[1] https://www.chateau-auvers.fr/fr/accueil/
[2] http://www.chateau-gerbeviller.com/index.htm
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